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Le monde dans lequel on vit, les outils avec lesquels
on crée.
Depuis plusieurs dizaines années, le web a été une
structure de diffusion et d'interaction dans laquelle ont cohabité
aussi bien les militaires que les marchands, les activistes ou les universités.
Si des tensions ont toujours existé entre ces différents
groupes, elles sont restées relativement masquées. Et pour
cause, un des ressorts de l'économie digitale était l'utilisateur.
Les grosses industries d'informatique avaient en vue des applications
ou des services qui s'adressaient directement à l'"usager".
Les rivalités entre les grandes firmes ont contribué à
clarifier l'usage des interfaces, à favoriser le hosting gratuit
ou bon marché, à construire un environnement user-friendly
et surtout à fournir à leurs clients des environnements
de production autonomes...
Ce modèle a atteint sa limite. Le marché est saturé
en ordinateurs personnels. Cela signifie que l'effort de développement
va être porté sur les services et outils pour l'entreprise.
Pour comprendre l'impact de cette évolution, il faut se représenter
rapidement les besoins exprimés par une entreprise.Celle-ci désire
en effet que son personnel puisse se connecter de partout dans le monde
et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il faut pour cela des interfaces
mobiles (Pocket PC, wap, téléphones cellulaires...). Mais
pour accroître le contrôle sur ses employés et pour
réduire les coûts, ces interfaces seront délestées
d'une grande partie de leur fonction et de leur espace de stockage. Le
Pocket PC ou le portable léger ne trouveront leur réelle
fonctionnalité qu'une fois connectés au serveur central
de l'entreprise.
Celui-ci distribuera l'application et enregistrera sur son propre disque
le fruit du travail de l'employé.
Cet état de fait est lourd de conséquences pour les artistes,
les acteurs culturels et les utilisateurs du réseau. Il va déterminer
le modèle de production de leur outils de travail et de communication.
Cette direction contraste avec celle qui avait jusqu'ici mis des outils
autonomes dans les mains des acheteurs privés. Autant sous l'angle
juridique que technologique, nous entrons dans l'ère de la recentralisation.
C'est pourquoi il est crucial aujourd'hui de s' approprier la technologie
côté serveur. Il est crucial de comprendre que les rôles
changent et que si l'on veut poursuivre la production et de contenu indépendants,
nous ne pouvons plus nous contenter d'en être les "clients".
De nombreux artistes et activistes des médias comprennent
aujourd'hui qu'il en va de leur intérêt de s'approprier les
moyens de production et de diffusion digitaux. Des collectifs comme Technologie
To The People ou Irational.org, entre autres, dédient leurs projets
à l'installation d'infrastructure de diffusion pour les communautés,
et les groupes d'artistes. Des mouvements parallèles à Reclaim
The Street, célèbre mouvement de lutte en faveur des sans-papier,
ont constitué Reclaim Bandwith, un collectif qui milite pour une
attribution d'une large bande passante dédiée à la
création digitale et à la libre expression des individus.
Ces voix sont relayées par des lobbies qui s'organisent pour faire
pression sur les communautés européennes( European Cultural
Backbone, par exemple).
Mais l'alternative qui a pris le plus d'ampleur dans la réappropriation
de la technologie est celle qui voit le jour dans le domaine du son. Depuis
le sampling qui a introduit un rapport différent à la propriété
intellectuelle jusqu'aux modèles de distribution de pair-à-pair
(peer-to-peer) comme Gnutella ou Freenet, les individus et groupes engagés
dans la diffusion sonore ont fait émerger de nouvelles propositions
relationnelles et esthétiques via la technologie.
==>programme
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